L’été a été particulièrement chaud pour les étrangers résidant en Haute-Loire. On a assisté à plusieurs expulsions : Altyn, jeune Kosovar âgé de 21 ans et en France depuis l’âge de 13 ans, Burim, père de 4 enfants, séparé de sa famille et expulsé. Et une douzaine de jeunes se voient infligés des OQTF (obligations de quitter le territoire), et sont donc susceptibles d’être expulsés à tout moment.
Aujourd’hui ce sont des «accompagnants» qui sont poursuivis. Eric et Véronique à qui la justice a confié des jeunes mineurs isolés, se voient accusés de «malversations dans le but supposé d’obtenir un titre de séjour pour Madama».
Depuis quelques temps, la Préfecture du Puy a durci ses positions vis à vis des personnes étrangères arrivant en Haute-Loire, multipliant les contrôles des papiers, faisant traîner les réponses aux demandes de carte de séjours, ou aux demandes d’autorisation de travail, refusant même les autorisations de travail alors que les personnes fournissent des promesses d’embauche dans des secteurs où les entreprises ont du mal à recruter. Ces «tracasseries» visent essentiellement les jeunes arrivés mineurs et devenu jeunes majeurs ici.
On constate des contrôles incessants des actes de naissance alors que les jeunes disposent de passeport ou de carte consulaire, équivalent à des cartes d’identité. C’est-à-dire que la Préfecture s’obstine à contrôler des papiers qui théoriquement ne sont plus nécessaires, les gardant dans les tiroirs et obligeants les jeunes à les redemander à leur commune d’origine. Pourtant le CESEDA (Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile) demande le contrôle des actes d’état civil, or un passeport est un acte d’état civil, une carte consulaire également, alors pourquoi revenir aux acte de naissance ? Certains jeunes disposant de carte de séjour depuis plusieurs années se voient de nouveau controlés leur acte de naissance alors qu’ils demandent le renouvellement de leur carte de séjour et qu’ils disposent depuis plusieurs années de passeport. Et ainsi les actes administratifs et judiciaires se multiplient à l’infini. Par exemple un jeune arrivé en 2017 a déjà à son actif 4 contrôles de son acte de naissance (soit chaque année à chaque renouvellement de la carte de séjour), 3 contrôles de son passeport, 4 procédures judiciaires où il a à chaque fois été relaxé. Portant cette année encore la Préfecture décide de renouveler le contrôle, l’employé de la Préfecture à qui l’on demande « Pourquoi puisqu’il y a déjà eu une décision de justice ?» Nous répond : « On le fait parce qu’on a le droit de le faire.»
Un autre qui dispose d’une carte de séjour déjà renouvelée une fois se voit recontrôlé et convoqué à la PAF (police des airs et des frontières). Celle-ci estime son passeport valide mais constate une «incohérence » sur son acte de naissance. L’officier nous explique que cette incohérence n’a pas d’incidence sur la validité des actes d’état civil, en l’occurence le passeport. Pourtant la Préfecture conclura à un faux et à une fraude. Et ainsi les procédures sont entamées.
Une Préfecture qui nous coûte cher
Tous ces contrôles ont un coût pour la collectivité, pour les personnes et pour les entreprises. Pour ces contrôles, les jeunes doivent se rendre à la PAF à Gerzat, dans la banlieue de Clermont-Ferrant. Pour cela, ils perdent une journée de travail ou d’école. Ils doivent se faire accompagner, donc l’accompagnateur perd également une journée de travail. Les gendarmes de la PAF contactent les communes d’origine, parfois dans des endroits très isolées au fin fond de la brousse où la communication est quasi inexistante ou peu fonctionnelle. Puis les résultats sont transmis au Procureur de la République et à la Préfecture qui vont décidés s’il y a matière à poursuites. Si les procédures se déclenchent alors on ne sait pas où elles s’arrêtent puisque chaque année au moment de renouveler soit une carte de séjour, soit une autorisation de travail, le processus recommence. Tous ces frais étant supportés par la collectivité.
Lorsqu’on essaye de comprendre ce qui justifie ce durcissement on trouve peu d’arguments. Pourtant au dire même d’officiers de police et de gendarmerie, et de fonctionnaires de la Préfecture le niveau d’intégration des jeunes est exceptionnel en Haute-Loire, ainsi que leur niveau de scolarisation et leurs résultats scolaires. Et le pourcentage de «migrants» en Haute-Loire est infime, il atteint à peine 0,5% de la population, sachant que les jeunes restent en moyennes 3 ans en Haute-Loire puis déménagent vers des villes plus importantes dès qu’ils en ont l’opportunité, soit pour des études, soit pour du travail soit pour rejoindre de la famille ou pour fonder une famille.
COMMMUNIQUE DE RESF 43
REPRESSION CONTRE LA FAMILLE D’ACCUEIL DE MADAMA DIAWARA
RETOUR DU DELIT DE SOLIDARITÉ ?
Communiqué ayant reçu le soutien de :
Action Catholique Ouvrière du Puy (ACO 43), Association pour la Promotion des Gens du Voyage (APGV 43), Comité de Soutien aux Opprimés de Brioude, Emmaüs 43, Ligue des Droits de l’Homme (LDH 43), Planning Familial 43, Sauxillanges Entraide et Soutien aux Migrant-es (SESAME).
Collectif Intermittents et Précaires de la Haute-Loire (CIP 43), CGT 43, CGT Educ’action 43, Confédération Paysanne de Haute-Loire, FSU 43, Solidaires 43, Sud Education 43.
La France Insoumise 43 (LFI 43), Front de Gauche – Brioude l’Humain d’Abord, Génération.s 43, Union Communiste Libertaire 43 (UCL 43)
Jeudi 16 septembre 2021, Véronique De Marconnay et Eric Durupt, le couple qui avait accueilli le jeune Malien Madama Diawara, étaient convoqués par la Police Aux Frontières de Gerzat dans les locaux de la gendarmerie de Loudes (Haute-Loire).
A 8h, ils se sont présentés à la gendarmerie et ont été immédiatement séparés et placés en garde à vue par les fonctionnaires de la PAF. A partir de ce moment et jusqu’à la fin de la garde à vue, qui s’est terminée dans l’après-midi, ils n’ont pas été autorisés à communiquer l’un avec l’autre.
Leur domicile a été perquisitionné, sous leurs yeux. La perquisition s’est soldée par la saisie de leurs deux ordinateurs personnels et d’un téléphone portable. De retour à la gendarmerie, E. Durupt et V. de Marconnay ont subi, séparément, un interrogatoire dans le cadre d’une enquête préliminaire dont l’objet serait des soupçons sur une supposée affaire de faux papiers, en lien avec les deux mineurs étrangers qu’ils avaient accueillis chez eux pendant près de deux ans. En toute légalité, puisque les deux jeunes leur avaient été confiés par la Juge pour Enfants afin qu’ils puissent s’occuper d’eux (santé, éducation, intégration…) et veiller sur eux en tant que TIERS DIGNES DE CONFIANCE (TDC) jusqu’à leur majorité.
V. de Marconnay et E. Durupt réfutent en bloc ces accusations de SOI-DISANT malversations dans le but supposé d’obtenir un titre de séjour pour Madama. Il les considèrent comme infondées et insensées.
Ces faits appellent de notre part les commentaires suivants.
- En ce qui concerne les papiers d’identité décrits comme « faux » par la PAF, les expertises ne tiennent pas compte de la réalité de la situation en Afrique, notamment les lacunes systémiques de l’état civil au Mali.
- Les délits allégués par la PAF (complicité de faux, usage et détention de faux, etc) sont passibles de lourdes peines. Sauf erreur, c’est la première fois en France qu’une famille qui accueille des mineurs isolés est poursuivie pour de tels motifs. On constate donc ici une volonté de répression particulièrement marquée et persistante.
- Cette mise en cause des TDC vise à faire naître des doutes sur l’honnêteté d’E. Durupt et de V. de Marconnay, qui ont déjà subi, au cours des mois précédents, des attaques publiques de la part d’autorités haut-placées. Elle vise à les discréditer auprès des très nombreux soutiens qui se sont manifestés lors de la mobilisation en faveur de Madama au printemps dernier ( y compris les plus de 38 000 signataires de la pétition).
- Cette garde à vue est révélatrice d’un acharnement renouvelé à l’encontre des proches de Madama. Une démarche qui vise à faire peur et à décourager toutes les personnes et les familles qui viennent en aide aux jeunes migrant-es et aux familles de migrant-es, en particulier au sein du Réseau Education Sans Frontières de Haute-Loire (RESF 43).
- La convocation, la mise en garde à vue, les interrogatoires, l’enfermement en cellule, la confiscation d’un outil de travail essentiel (pour des enseignant-es), les menaces de poursuites judiciaires étaient-elles vraiment justifiées ? Tout un arsenal utilisé pour réprimer ce qui ressemble fort à un « délit » de solidarité.
Nous exprimons notre indignation devant de tels procédés et apportons tout notre soutien à Eric Durupt et Véronique de Marconnay.
Nous rappelons aux personnes que cela pourrait intéresser que la répression judiciaire se poursuit contre :
- Madama Diawara, accusé de faux, usage de faux, etc. Son procès aura lieu au Tribunal Judiciaire du Puy-en-Velay le 5 octobre 2021. Il est toujours sous le coup d’une OQTF avec IRTF de 24 mois délivrées par le préfet de Haute-Loire.
- Eric Durupt, poursuivi pour outrage à agent, qui comparaîtra devant le Procureur de la République au Tribunal Judiciaire de Clermont-Ferrand le 12 novembre 2021.