Madama : encore un coup dans la gueule

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 Madama Diawara passait ce jour au tribunal de Lyon après avoir déposé une requête contre le placement en centre de rétention administrative dont il fait l’objet depuis deux jours. Il a été placé en CRA alors qu’il était convoqué pour une audition par la police de l’air et des frontières, la Paf, à Clermont-Ferrand, et tout de suite mis en garde à vue puis envoyé au centre de rétention de Lyon-Saint-Exupéry.

Deux jours plus tard la requête pour demander une libération immédiate était à l’ordre du jour et l’espoir était grand que la justice entende les arguments de sa défense, entende que le garçon n’a pas falsifié les papiers, que les papiers n’était pas faux et que, en attendant un véritable procès (prévu en octobre) où tout cela serait analysé, il pouvait être remis en liberté.

Ce 11 mars —jour anniversaire du cataclysme de Fukushima— a été ressenti comme un autre cataclysme pour le petit groupe venu soutenir Madama Diawara au tribunal de Lyon.
Le coup dans la gueule nous l’avons tous reçu lorsqu’en fin d’après-midi nous avons appris que la requête était rejetée et que Madama resterait détenu dans le centre de rétention. Certes, un centre de rétention n’est pas un centre de DEtention. On y est mieux traité, on peut disposé d’un téléphone mais c’est quand même l’enfermement. L’enfermement pour ce garçon qui rêvait d’être dans les prés, sur les chemins, dans la nature avec le troupeau de moutons que lui confiait ses employeurs qui étaient ravis d’avoir trouvé un berger, un ouvrier agricole pour travailler sur leur exploitation.
Le coup dans la gueule était d’autant plus violent que les jeunes venus ce jour là, qui avaient laissé de côté leurs études leur travail pour être là présents auprès d’Eric, Véronique, Madama et toute la famille, étaient confiants en la justice, persuadés que, les papiers n’étant pas faux, la justice percevrait l’erreur de la Paf. Bien évidemment les papiers ne sont pas faux. Est-ce qu’une ambassade délivre de faux papiers ? Qu’est-ce que l’on sanctionne là ? La politique française au Mali ? La misère de l’Afrique ?  La volonté politique de faire un exemple pour les 60 millions d’humains sur les routes du monde ? Vous n’enrayerez pas ainsi les mouvements migratoires. Ils sont 60 millions sur les routes !!!

Madama d’un coup se voit investi de tous ces signifiants, de tout ce fatras qui se mélange ici. Fatras que sans doute il n’imagine même pas. Il n’est qu’un jeune homme simple qui vit depuis bientôt trois ans en France, au Puy-en-Velay, qui a grandi plus en trois ans ici sur ce territoire, en apprenant à lire, à écrire, à compter, à aller à l’école, en travaillant régulièrement, en vivant à la française qu’il n’aurait appris dans son village en vivant avec la peur des djihadistes envahissants sa région et massacrants quiconque s’oppose à eux, en vivant caché peut-être, dans cette région où le désert avance à cause du réchauffement climatique.

Nous lui avons donné cette possibilité —cette chance peut-être— d’apprendre à vivre mieux, de vivre fièrement, libre. Mais un préfet dans son bureau climatisé en a décidé autrement.

Monsieur Eric Etienne dans un texte publié dans la presse nous dit « Lorsque la décision du juge des enfants a été rendue, sur la base du placement à des tiers, soi-disant dignes de confiance, qui sont enseignants, qui manifestent systématiquement et qui lui donnent de très mauvais conseils, […] Que dirait-on si quelqu’un avait un examen au baccalauréat, puisque ces gens sont enseignants, et qu’il présentait des faux papiers ? On lui donnerait quand même son diplôme ?»
Outre l’insulte faite aux personnes qui accueillent les enfants laissés dans la rue. Outre le dénie du service rendu à l’État par l’accueil de ces jeunes dans des foyers chaleureux où l’on prend soin de leur éducation et de leur scolarisation. Outre le fait qu’il mette en balance le baccalauréat avec la vie de ce garçon ce qui est déjà d’une indécence redoutable, insensée, inacceptable.
Outre donc cette comparaison indécente, Monsieur le préfet, vous oubliez que vous représentez la France, cette France qui offre toujours une 2e chance. Lorsque l’on rate son baccalauréat on a une session de rattrapage. Lorsque l’on rate son bac on a d’autres voies qui s’ouvrent. La France que vous servez a mis en place tout un arsenal de voies possibles pour celui qui rate son bac, des formations, des études, tout un arsenal de chemins possibles là où, Monsieur le Préfet, vous n’offrez que la mort à ce garçon.

N’oublions pas qu’un Préfet a pour mission de veiller à ce que la République soit respectée, que la cohésion de la société soit maintenue, que la Constitution soit bien appliquée.

Il semblerait, Monsieur le Préfet, que votre décision ne soit plus en adéquation avec les termes de cette mission et de cette constitution.

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