Voici maintenant deux semaines, un groupe de 14 jeunes, de ceux qu’on appelle les MNA dans le jargon administratif —c’est-à-dire des jeunes mineurs étrangers sans famille en France—, se sont rendus à la police pour porter plainte et demander leur scolarisation. Ils ont également demandé à être reçus par un ou une juge pour enfants. Certains d’entre eux sont là depuis six mois et attendent d’être scolarisés comme ils n’ont de cesse de le demander.
Actuellement 25 jeunes sont hébergés en hôtel par l’Aide Sociale à l’Enfance (l’ASE), ils sont dépendants des décisions de cette dernière. Sur ces 25 jeunes 12 d’entre eux, envoyés depuis d’autres départements ont pu enfin être scolarisés. Pour les autres c’est l’attente.
Selon la loi, le droit à la scolarisation est un droit inaliénable. Tout jeune a droit à l’école et tous les jeunes doivent être traités au même titre. On doit permettre à tous ceux qui le demande d’aller à l’école. Pour mémoire, rappelons l’article premier de la constitution : «La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race ou de religion». Sans oublier bien évidement le préambule de la Constitution qui nous dit : «Le peuple français proclame solennellement son attachement aux Droits de l’homme».
Mais de plus en plus ces droits s’effilochent, au gré des administrations qui l’interprètent à leur sauce. Et pendant ce temps, pour les jeunes, le temps passe.
En fait, l’Aide Sociale à l’Enfance (ASE) estime que ces enfants doivent attendre que leur situation soit officialisée. Alors cela fait des mois que ça dure. Et 6 mois dans la vie d’un adolescent c’est énorme surtout si l’on considère qu’à 18 ans ils seront dans l’obligation d’avoir une situation professionnelle.
Pour comprendre la situation il faut comprendre le processus de prise en charge et l’échafaudage administratif.
Un jeune étranger qui arrive en France doit être mis à l’abri. Il est donc immédiatement envoyé à l’ASE (Aide sociale à l’enfance) qui lui offre gite et couvert, parfois en foyer ou dans un hôtel attendant la fin du parcours administratif. Puis l’ASE doit réaliser une évaluation pour enclencher une prise en charge. Si l’ASE émet un doute sur sa minorité, elle peut demander une expertise des papiers que le jeune possède. Et le Parquet décide sa prise en charge ou non. A cette étape, si le doute persiste, le juge pour enfants tranche. Si le jeune est décrété majeur, il devrait être envoyé dans un centre d’accueil, un CADA. Mais de fait ils sont mis à la rue.
Dans notre département, comme sur la majorité du territoire français. Cette étape d’évaluation traine en longueur. Pourquoi ? On ne sait pas. L’ASE nous dit que c’est le Parquet qui traîne (juge et procureur), la justice nous dit qu’ils ne reçoivent pas les évaluations de l’ASE assez rapidement. Bref on se renvoie la patate chaude et pendant ce temps-là, le jeune attend, et le temps passe.
Pour certain, cela a duré jusqu’à ce qu’une association ou RESF (Réseau Education sans frontière) saisisse un juge et demande le placement.
Cette question du doute de la minorité est au cœur du problème. L’ASE doute et donc ne prend pas de décision et renvoi le jeune.
En principe, la loi prévoit que le doute est en faveur de la personne et qu’il vaut mieux qu’un jeune soit mis à l’abri plutôt que lâché dans la rue. C’est du reste très souvent selon ce principe que les juges tranchent les situations. Le Réseau éducation sans Frontière a ainsi très souvent «repêché» des jeunes exclus du système en les présentant devant une juge contre l’avis de l’ASE. Cette procédure accélère les choses mais a un coût et le jeune doit être accompagné d’un avocat.
L’ASE, nous dit que tant qu’ils ne sont pas pris en charge officiellement, tant que l’ASE ne dispose pas de l’autorité parentale, elle ne peut pas les scolariser. Pourtant si on lit les textes il est dit que pour scolariser un mineur il faut disposer « de l’autorité parentale OU de la responsabilité légale ». Certes, tant que le placement n’est pas officialisé, personne ne dispose de l’autorité parentale mais la « responsabilité légale » est bel et bien détenue par l’ASE qui a mission de mise à l’abri et d’« accueil éducatif » des jeunes qui lui sont confiés.
En fait est-il réellement indispensable que le parcours administratif soit bouclé pour que la scolarisation soit effective ? Le texte de loi ne le demande pas. La loi ne demande pas que le jeune dispose d’un titre de séjour ou d’une prise en charge pour avoir droit à l’école.
Ce n’est pas la première fois que RESF ou d’autres associations interviennent sur ce type d’action et fassent avancer les dossiers de scolarisation. Le Réseau a par le passé saisi l’IGAS (Inspection générale de l’Action sociale) pour dénoncer ces lenteurs excessives.
Pour ce groupe qui nous préoccupe cette année, on ne comprend pas ce qui s’oppose à leur scolarisation, tout en menant en parallèle l’expertise de leur situation. Les 2 actions ne sont pas incompatibles. D’autant plus qu’on a vu des expertises trainer des années. Certains jeunes attendent au Puy depuis 4 ans cette fameuse expertise, bloquée au niveau de la Préfecture. Si l’on pose la question : comment est-ce possible puisque en droit français quand il n’y a pas de réponse, c’est qu’il y a un accord tacite au bout de 3 mois. On s’est entendu répondre « Non pas pour les étrangers».
Pour cette question d’école, comment débloquer la situation
Au-dessus de l’aide sociale, la décision peut venir du Préfet qui a l’autorité de fait puisque représentant l’Etat.
Si par le passé on savait qu’en matière de droit des étrangers il était difficile de demander l’arbitrage de la Préfecture, on peut espérer qu’avec le nouveau Préfet, les choses s’améliorent et que les prises en charge s’accélèrent, ainsi que tout le processus de régularisation, avec plus d’équité.
Merci pour ces commentaires très clairs qui permet d’éclairer notre lanterne sur la loi immigration et ses effets concrets sur le quotidien des migrants en galère.
Nicole