En cette année qui honore les 80 ans de la création du CNR, sur les confins de la Haute-Loire et de l’Ardèche; ce dimanche 28 mai à Rochepaule un hommage poignant a été rendu au maquis Armée Secrète et au maquis Wodli conduit par Théo Vial Massat.
Une stèle perpétuant le souvenir de ces maquisards morts pour la France a été dévoilée.
Le discours du secrétaire départemental du PCF Ardèche donne toute la signification au sens de cette commémoration.
Intervention du PCF 07 le dimanche 28 mai 2023 Inauguration de la stèle aux Maquisards de Rochepaule
Mesdames Messieurs,
Il y a 80 ans, un 27 mai 1943, le Conseil National de la Résistance était créé. Cette réunion actait non seulement le rassemblement des mouvements de résistance, mais surtout il donnait une dimension politique, pluraliste et proposait à la France de voir au-delà de la nuit noire.
Grâce à cette unité conquise patiemment et sous l’oppression nazi, Il émergera du rassemblement des mouvements de résistance LA Résistance, avec un R majuscule. Continuité fébrile de la République qui prendra toute sa puissance démocratique avec l’avènement du programme des Jours Heureux près d’un an après la création du CNR.
Imaginez un peu mesdames et messieurs, la force et la conviction nécessaire de ces hommes, de ces femmes qui, dans la clandestinité, ont entrepris de rédiger un programme pour le pays, ont maintenu l’exigence du débat démocratique, ont associé syndicats et partis pour se projeter vers la victoire et l’après, la Libération. Quelle volonté était la leur mais surtout, quel optimisme les a animé.
Par ces mots, en cet instant, rendons hommage aux 70 Maquisards du réseau Wodli qui se sont relayés à Rochepaule entre 1943 et le 2 mai 1944, date à laquelle la milice française, sur dénonciation, est intervenue et a assassiné nos camarades « Max » Imbert et Vasco Corsi, commandant des Wodli de Rochepaule. La milice arrête alors 6 autres camarades qui ont été déportés dans les camps de la mort nazi.
Aragon, dans son recueil de poèmes écrit pendant l’Occupation, évoquait, avec la puissance de ses mots, comment notre Parti lui avait rendu les yeux et la mémoire, lui avait fait prendre conscience de son sang si rouge et de son cœur si Français, lui avait montré, en definitive, l’issue de ce qui poussait beaucoup de nos concitoyens dans la torpeur et la désespérance de la défaite et de l’humiliation.
C’est l’héritage de notre Parti.
Ma génération est peut-être la dernière qui a pu rencontrer et parler avec des résistants, des femmes et des hommes qui ont vécu directement la deuxième guerre mondiale. Je me souviens, adolescent, de la visite de Lucie Aubrac qui nous apprenait à conjuguer le mot Résister au présent. Mais aussi de nos premiers pas de Jeunes Communistes où l’on nous faisait rencontrer Odette Nilès et quelques Anciens à qui nous devions le respect pour ce qu’ils avaient apporté tant au Parti qu’à la France et à l’Humanité. Rendre palpable, garder vivant l’héritage de la Résistance est le premier devoir de communiste, celui qu’on vous transmet, celui que l’on vous confie surtout en même temps que l’on nous remet votre carte d’adhérent.
C’est pourquoi, je veux vous dire l’honneur que représente pour le communiste que je suis, la participation à cette cérémonie avec ce discours, mais aussi l’humilité avec lequel je veux le prononcer. Humilité et respect pour la mémoire de ceux de Rochepaule, aux FTP Wodli, mais à travers eux à tous ceux qui ont bâti cet acte de résistance.
Vous me pardonnerez, j’en suis certain, cette incursion du politique dans la mémoire, mais il me semble que la mémoire est justement un travail politique. Faisons ainsi que la conjugaison de nos histoires
singulières et politiques construise le travail de mémoire plus qu’il ne le sacralise en devoir. C’est à cette condition que cette mémoire restera vivante. Nous n’oublions pas que le sang versé des gaullistes, des socialistes, des communistes et de tous les autres s’est mêlé hier et qu’aujourd’hui nos mémoires se mêlent encore. Evoquer celle des communistes c’est, je crois, contribuer modestement à raviver la flamme de la Résistance.
Le CNR était pétri d’audace et de lucidité. Il est le leg aux générations qui viennent et nous devons le préserver, aussi par devoir moral vis-à-vis de ceux dont nous commémorons le souvenir ce matin. En 2007, le vice-président du patronat français évoquait en ces mots le CNR :
“Le modèle social français est le pur produit du Conseil national de la Résistance. […] Il est grand temps de le réformer. […] La liste des réformes ? C’est simple, prenez tout ce qui a été mis en place entre 1944 et 1952, sans exception. Elle est là. Il s’agit aujourd’hui de sortir de 1945, et de défaire méthodiquement le Programme du Conseil National de la Résistance !”
Vous comprendrez, mesdames et messieurs, quel défi est le nôtre aujourd’hui. Il ne nous est plus permis de distinguer l’élan patriotique de la Résistance, de sa lucidité sociale et de son ambition de progrès. Les adversaires de la Résistance et des Jours Heureux sont nombreux et tous n’ont pas l’honnêteté cynique de ce représentant du patronat.
Raviver la flamme, c’est donner corps aux valeurs qui ont animé les maquisards. C’est le faire entendre aux générations d’aujourd’hui et à celles qui viennent. C’est expliquer sans relâche que les résistants ne se sont pas battus seulement par héroïsme, mais pour une certaine idée de l’humanité. Ils l’ont fait avec la conviction que pour que cette tragédie macabre ne se rejoue jamais, il fallait donner à chacun les moyens de vivre pleinement en harmonie. C’est la vie face la mort que les maquisards nous ont offert. Pensons aujourd’hui à ce leg, alors que l’Europe se réarme, qu’elle se fourvoie dans une logique de blocs géopolitiques dépassés et que la guerre fait rage en Ukraine. Rarement, notre monde n’a été aussi instable, rarement l’insécurité sociale et géopolitique n’aura mis autant en péril notre humanité.
Pour conclure mon intervention, je voudrais très sincèrement saluer l’initiative de la municipalité de Rochepaule et cette possibilité de nous exprimer. Saluer aussi l’opiniâtreté des artisans de ce travail de mémoire ici, dans un village ardéchois, pour que ne s’éteigne jamais la flamme de la Résistance.
Je vous remercie.
Mathieu Soares, secrétaire départemental du Parti Communiste 07