C’est assez bien d’être fou

Au volant d’un vieux camion des années 1970, Bilal, street artiste, et Antoine, réalisateur, se sont lancés dans un voyage de plusieurs mois jusqu’aux confins de la Sibérie.

Au fil des pannes du camion et des rencontres avec les habitants s’improvise une aventure qui les mènera des montagnes des Carpates au cimetière de bateaux de la mer d’aral, d’odessa à vladivostok.
un voyage artistique, alternant dessins et vidéo, entre road-movie et conte documentaire.

Cette diffusion est en lien avec le projet « Plaidoyer pour la terre » qui regroupe une conférence d’Anne Muller sur Ernest Pignon Ernest, une expo sur les « murales » de Banos en Equateur (photo de Jacques Mansuy) et des peintures murales de Sylvaine Hasse.

Depuis toujours Bilal dessine, tout le temps, sur tout, comme un fou. Rapidement les dessins débordent des cahiers et la rue devient son terrain de jeu. À 18 ans, il crée le nom « Zoo Project ». En l’espace d’un an, il repeint tout le XXe arrondissement de Paris de fresques gigantesques : gros traits noirs expressifs creusant une forme blanche, le style est à la fois brut et évocateur. Des citations accompagnent parfois les fresques. Jamais didactiques ou manichéennes, ces phrases ajoutent une note douce-amère, un contrepoint absurde. La démarche est profondément politique sans que jamais le résultat ne perde de sa douceur poétique.

Bilal accède rapidement à la reconnaissance du milieu. Les galeries le courtisent mais il est déjà ailleurs. Parti en Tunisie au moment de la révolution, il choisit d’y représenter les martyrs puis part s’installer dans un camp de réfugiés à la frontière libyenne. Il y peindra grandeur nature sur du tissu les réfugiés du camp.

Son travail prend la forme d’installations réalisées avec et pour les gens qu’il peint, et cette fois-ci c’est la presse nationale qui s’intéresse à lui (Libération, Le Monde). Lui est déjà loin, reclus en plein hiver par -30° dans une cabane au fin fond de la Laponie, avec le projet de réaliser un roman graphique qui racontera son expérience.

Et ainsi de suite…

Sa vie sera un bouillonnement d’idées, de projets, de réalisations, sans jamais se ménager, sans jamais faire de compromis.

La rencontre d’un dessinateur et d’un réalisateur

Lorsqu’Antoine Page et Bilal Berreni se rencontrent, ils ne connaissent pas leurs travaux respectifs. ils sont solitaires, ne cherchent pas de collaborateurs, et pourtant le courant passe immédiatement. Ils partagent la même passion pour leur domaine, la même croyance en un art populaire et le même désir d’indépendance.
Ils se mettent tout de suite à rêver un voyage à travers la Russie : l’un dessinerait, l’autre filmerait. Bilal interviendrait durant le périple en réalisant des fresques, des installations in situ : sur le lac Baïkal gelé, sur les immenses escaliers Potemkine, à bord du Transsibérien… Ils veulent lier aventure et expériences artistiques, jouer de la complémentarité de leurs matériaux, le dessin et la vidéo, pour raconter les différents moments du voyage.
Un vaste projet artistique se dessine : le film C’est assez bien d’être fou était né !

Antoine Page

« A la minute où l’on s’est rencontrés avec Bilal on s’est mis au travail. Plutôt on s’est mis à rêver, à fantasmer ensemble. Aucune limite, on était d’accord là-dessus. On envisage tout, on teste tout, à nous de réussir à faire exister nos idées. Mais outre le fait de partager le même état d’esprit, ce qui m’a immédiatement intéressé, c’est qu’avec Bilal j’allais travailler avec quelqu’un qui maîtrisait un autre domaine que le mien, le dessin, et donc une autre manière de raconter, d’évoquer, d’émouvoir. Combinés, le dessin et la vidéo allaient nous permettre d’expérimenter dans tous les sens. Bref, on était partis. Où ? Impossible de dire, mais en tout cas on y allait avec passion, enthousiasme et engagement. »

 

Bilal Berreni (alias Zoo Project)

« J’ai commencé par peindre sur les murs de ma ville, de mon quartier. Je défends un art en contact direct avec le spectateur, un art vivant, qui dérange, qui interroge… En France, il me semble que l’art a perdu son caractère populaire et n’est plus réservé qu’à un petit nombre. Pour moi, c’est à l’artiste de faire l’effort d’aller vers les gens et pas le contraire. C’est ce que j’ai essayé de faire avec mes peintures : nouer un dialogue avec le passant, le faire réagir.
Alors pourquoi ce projet de film et de voyage ? Au départ mon idée était de m’éloigner, de quitter mon quotidien, mes repères. Partir. Finalement n’importe où. Aller vers l’inconnu. J’ai 20 ans, j’ai tout à voir, à apprendre, à découvrir. J’ai envie de m’éloigner de ce qui commence à devenir un poids. La routine, l’uniformité, le petit milieu de l’art de rue parisien, un aspect «branché» que j’ai toujours combattu. Je crains le piège de l’officialité tout autant que celui de la marginalité, de l’underground. Partir est un moyen d’échapper à tout cela, d’exciter ma créativité, de respirer un autre air. Ce sera aussi le moyen de confronter mon travail à d’autres regards. Pourquoi le street art ne serait-il réservé qu’aux citadins ? Je veux aller dans les campagnes, dans des lieux vierges de cette culture. Je veux surtout montrer qu’il est possible de peindre, de s’exprimer sur les murs, montrer que l’art peut être accessible à tous. »

Zoo Project

Connu sous le nom de Zoo Project, Bilal Berreni, dessinateur et street artiste, est mort en juillet 2013 à l’âge de 23 ans. Bilal était une personne engagée et passionnée. Il voyait les choses en grand, sans se donner de limites, et pour lui la démarche avec laquelle il menait ses projets, de façon intègre et libre, était tout aussi déterminante que le résultat.

Edition, film, accrochages : par souci de cohérence, et parce que nous partageons cette vision des choses, l’hommage qui a démarré au printemps 2018 a été réalisé bénévolement et de manière totalement indépendante, sans autre considération que celle d’être fidèle à la démesure de Zoo Project.

Depuis le mois de mars 2018, de nombreuses projections du film C’est assez bien d’être fouont eu lieu à travers la France et un coffret de neuf livres visible sur ce site commencera à circuler dans les médiathèques dès le printemps 2019.

Cet hommage, porté par ses proches, a pour ambition de mettre en lumière autant le travail que la personnalité de Bilal (Zoo Project) et de faire ainsi perdurer son esprit de liberté et de créativité. En espérant que son travail et son expérience donnent envie à d’autres de se lancer dans leur aventure propre, comme lui, sans compromission, sans ménagement.

Merci à tous ceux qui nous ont aidés et nous aiderons encore à faire de cet hommage un jaillissement créatif, furieusement grisant, furieusement vivant.

=> Visitez le site de l’hommage

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