LE DROIT DES ÉTRANGERS À L’HEURE DE LA PANDÉMIE COVID-19

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Le droit des étrangers est fortement impacté par les différentes mesures restrictives prises ces derniers jours des suites de la crise sanitaire Covid-19.

(Par Mouna Ben Thabet Alibert, Avocat. Village de la justice)

Le ralentissement, voire la suspension des activités des administrations et juridictions en charge de ces problématiques, est de nature à affecter leur fonctionnement sur le court et moyen terme. Aussi, des conséquences immédiates sur la circulation des étrangers et leurs droits sont inéluctables tant au niveau de l’espace Schengen (I), que sur le plan national (II).

I. Au niveau de l’espace Schengen.

L’Europe étant au cœur de la pandémie, la circulation à l’intérieur et à l’extérieur de l’espace Schengen est largement perturbée. Cette situation est notamment due à la fermeture de l’espace Schengen (1), et dans une plus grande mesure à la fermeture des frontières internes (2).

1. Fermeture de l’espace Schengen.

Il est à rappeler qu’en application de l’article 6 paragraphe 1er du Code frontières Schengen, le contrôle aux frontières est exercé dans le double intérêt de l’État membre aux frontières extérieures duquel il s’exerce, et de l’ensemble des États membres ayant aboli le contrôle aux frontières à leurs frontières intérieures. Ce contrôle devrait contribuer, entre autres, à la prévention de toute menace sur la santé publique.

De même, selon le manuel Schengen, [1] toute menace pour la santé des citoyens européens, ainsi que toute décision concernant les mesures appropriées à prendre dans ce sens, sont évaluées et décidées dans le cadre communautaire [2],en collaboration avec les autorités nationales compétentes, pour mettre en œuvre des mesures de protection sanitaire de chaque État membre dans le but de permettre ou de refuser l’entrée dans l’espace Schengen.

C’est dans ce cadre que par un ensemble de recommandations en date du 16 mars 2020, [3]la commission européenne a proposé un plan de fermeture des frontières extérieures pour une période de 30 jours.

Ce plan a été approuvé par le Conseil de l’Union Européenne le 17 mars 2020. Il prévoit notamment que :

  • Toute personne, ressortissant européen ou d’un pays tiers, puisse faire l’objet d’un contrôle à la frontière pouvant inclure un contrôle médical ;
  • Les États membres puissent refuser l’entrée sur leur territoire aux non-résidents ressortissants de pays tiers qui présentent les symptômes du Covid-19 ou ont été particulièrement exposés à un risque d’infection et sont donc considérées comme une menace à la santé publique ;
  • Un placement [de tout sujet à risque] en isolement ou en quarantaine, ou une mesure alternative au refus d’entrée si elle est jugée plus efficace ;
  • Toute décision de refus d’entrée, doit être proportionnée et non discriminatoire.

Le plan prévoit la fermeture des frontières à l’ensemble des citoyens des pays non-membres de l’UE, à l’exception des étrangers résidant au sein de l’UE, des membres de la famille des citoyens de l’UE et des diplomates, des travailleurs transfrontaliers et du personnel médical et, enfin, des personnes transportant des marchandises.

2. Fermeture des frontières internes.

Plusieurs États membres ont pris des mesures en vue de la fermeture de leurs frontières internes pour faire face à la propagation du virus Covid-19. C’est, en effet, le cas de la France qui, à ce jour, a limité la circulation sur ses frontières avec l’Espagne, l’Allemagne et l’Italie à son strict minimum.

Il convient de souligner que si les considérations de santé publique ne figurent pas expressément au nombre des motifs évoqués par les dispositions de l’article 23 du Code frontières Schengen justifiant la réintroduction temporaire du contrôle aux frontières intérieures, les États concernés ont considéré que la pandémie constituait une situation de menace grave justifiant le recours aux mesures prévues par l’article susvisé.

Les dispositions de l’article 6 du même code exigent, quant à elles, entre autres conditions d’entrée dans l’espace Schengen, que la personne ne constitue pas une menace pour la santé publique.

Dans le contexte inédit auquel doivent faire face les États et les populations de l’UE, la Commission européenne estime que les dispositions restrictives prises sont proportionnelles à la menace. Ses recommandations visent à encadrer lesdites décisions afin de garantir les mesures de sauvegarde prévues par la directive sur la libre circulation des personnes.

Elle demande, ainsi, au États membres de :

  • Ne pas refuser l’entrée dans l’Union aux citoyens de l’UE ou aux ressortissants de pays tiers résidant sur le territoire des États membres ;
  • Faciliter le transit de ces mêmes ressortissants. Des mesures particulières peuvent toutefois être prises en cas de retour de zones infectées, dans le respect du principe d’égalité avec les nationaux ;
  • Faciliter le passage des travailleurs frontaliers, notamment des personnels de santé.

II. Au niveau national.

Les mesures prises sont de nature à impacter :

  • l’entrée sur le territoire (1),
  • le séjour des étrangers et es demandes d’asile (2)
  • et les procédures et contentieux relatifs à l’éloignement (3).

1. L’entrée sur le territoire.

L’entrée sur le territoire français est directement impactée par la mesure de suspension de délivrance de visas pour la France, à compter du 17 mars 2020 et jusqu’à nouvel ordre.

Cette décision s’applique :

  • À tout type de passeports (officiel ou ordinaire) ;
  • Aux demandes, d’ores et déjà, déposées à la date d’entrée en vigueur de la mesure ;
  • Aux demandes pour lesquelles des rendez-vous ont été fixés.

La décision concerne toutes les catégories de demandes de visa :

  • Visas Schengen court séjour ;
  • Visas long séjour pour la France ou les Outre-Mer.

Il convient de noter que les visas « passeport talent », salarié ICT et stagiaires sont, également, concernés par la mesure. Dans ce contexte, il est vivement conseillé de ne pas planifier des missions pour les salariés étrangers dans les jours, voire les semaines, à venir [4].

Il est important de souligner, cependant, que les visas attribués aux conjoints de ressortissants français ne sont pas visés.

2. Le séjour des étrangers et demandeurs d’asile.

À la suite des instructions ministérielles du 16 mars 2020 (passage au stade 3), plusieurs administrations ont annoncé la suspension de l’accueil du public

Parmi elles, l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII) a suspendu « toutes les procédures d’accueil du public en dehors de la procédure d’asile ».

Les plateformes d’accueil des contrats d’intégration républicaine (CIR), les visites médicales et les rendez-vous accordés aux étrangers malades ont également été suspendus.

De même, l’accueil des personnes bénéficiant de la protection internationale est fermé pour la période du 16 au 31 mars 2020, avec une possibilité de prolongation selon l’évolution de la situation

L’accueil des étrangers dans les services de préfectures et sous-préfectures est suspendu.

=> Lire la suite : Village de la justice

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