Medvedkine : Le Bonheur

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Alexandre Medvedkine  est né avec le XXe siècle et il meurt en 1989, avec la Perestroïka. Sa vie accompagne l’histoire de l’Union Soviétique. Fervent communiste, il voue sa vie au cinéma mais en permanence en porte à faux avec le pouvoir en place.

Alexandre Medvedkine est né le 24 février 1900 à Penza dans une famille paysanne. A 18 ans, il entre dans l’armée rouge pendant la guerre civile, et devient responsable du commandement de la première armée de la cavalerie rouge. Il est également responsable d’un journal satirique du théâtre du régiment. A partir de 1927 il entre au Gosvoenkino, le centre cinématographique de l’armée. De 1930 à 1931 Medvedkine réalise de courts films satiriques qui renouvellent les styles « agit-film ».
En 1932 il est l’inventeur du ciné-train, un train aménagé pour la réalisation et la production de courts-métrages qui sera un véritable centre pédagogique d’aide au travail : l’équipe de Medvedkine fit un travail complètement novateur en réalisant un Ciné-journal de 18 numéros et 53 agit-films pour « filmer aujourd’hui ce qui ne va pas, le montrer aux intéressés dès demain, en débattre aussitôt avec eux, filmer à nouveau une semaine, un mois plus tard, pour juger des changements. » A partir du 25 janvier 1932, pendant 294 jours, le train traverse toute l’Union soviétique afin d’y filmer la population laborieuse des villes et campagnes, filmant les réalisations des bâtisseurs, des ouvriers, des cheminots, aussi bien que les méfaits de la gabegie et de l’incompétence. Medvedkine tourne et monte immédiatement les films dans son train pour les projeter aux intéressés dès le lendemain et pouvoir engager ainsi une discussion à chaud sur leur vie, le travail, les difficultés, les possibilités…. Son but, idéologique, est d’aider à la construction de la Russie nouvelle

Ces documentaires et semidocumentaires étaient explosifs. L’actualité des problèmes s’y combinait à un style percutant dans le traitement du sujet, la vision de l’opérateur, les effets de montage. Les films tournés eurent une influence de propagande sur les travaux de construction. Les principes du Train cinématographique laissèrent une trace ineffaçable dans le cinéma. Tout à fait récemment, ils ont ressurgi dans les films tournés par des ouvriers français de Besançon d’après la méthode du train cinématographique de Medvedkine , ce que Chris Marker écrivit à Medvedkine lui-même. Dans ces films les principes de Medvedkine se traduisent par des effets de montage saisissants, à partir des épisodes les plus ordinaires de la vie des ouvriers et des patrons. Le montage révèle avec une puissance particulière l’essence des constructions sociales.
En 1934 et 1936 Alexandre Medvedkine réalise deux longs métrages de fiction, Le Bonheur (film muet) (Счастье («стяжатели»)) -et La Fille qui faisait des miracles (Чудесница) qui sont consacrés aux problèmes de la vie dans les kholkozes. Si le contenu est bien conforme à l’idéologie de l’époque, par leur forme ils sont souvent innovateurs. A partir de 1958 Medvedkine tourne des documentaires sur des thèmes politiques ou sociaux.

Au cours de la Seconde Guerre mondiale, Medvedkine dirige un groupe de cinéastes du front. En 1946, il s’efforce de reprendre la réalisation d’un grand film sur la vie des campagnes, Osvobozhdyonnaya zemlya (La terre libérée) et travaille à la création de journaux filmés, de chroniques spéciales et de grands films documentaires. Bespokoynaya vesna (Un printemps mouvementé, 1956), comédie de fiction sur les défricheurs des terres vierges, est considéré comme un échec par la critique. Après cela, Medvekine se détourne du cinéma de fiction et travaille uniquement sur des documentaires de propagande, pour lesquels il reçut de nombreux prix en URSS.

Dans ses pamphlets, Medvedkine choisit généralement des scènes révélant les contradictions internes, contenant un message sous-jacent et permettant des analogies. Pour son film La raison contre la déraison (1960), Medvedkine a trouvé une scène où Adenauer n’arrive pas à coiffer une toque universitaire. Le réalisateur a enrichi cette brève séquence d’actualités en rappelant que la toque de Newton et de Timiriazev ne convient pas au crâne du chancelier. Pareils épisodes sont nombreux dans les documentaires de Medvedkine : La loi de la lâcheté (1962) sur le démantèlement du système colonial en Afrique, Amitié avec effraction (1965) sur l’impuissance de l’impérialisme mondial, sa perfidie et sa cruauté dans La sclérose de la conscience (1968) sur l’escalade de l’amoralité et le danger d’une nouvelle guerre mondiale. Il termine sa carrière par des brûlots antimaoïstes (Attention maoïsme en 1976, Pékin, l’inquiétude du mondeen 1977).

Les documentaires de campagne tournés par Medvekine dans les années 1920 eurent une énorme influence sur le cinéma indépendant des années 1960 dans le monde : des Groupes Medvedkine furent créés d’abord en France par un groupe de réalisateurs et techniciens dont Chris Marker, Jean-Luc Godard, René Vautier, puis dans beaucoup de pays d’Europe occidentale, d’Afrique et d’Amérique latine. Ces Groupes-Medvedkine existèrent notamment à Besançon, à l’usine Lip, à Sochaux et de nombreux films restent des films cultes de l’histoire du documentaire.

Les films de Medvedkine, sa personnalité, suscitent des débats. Le contenu percutant, la nouveauté du style, provoquent des polémiques et souvent une animosité qui provient de l’incompréhension de sa vision artistique. Mais au moment critique, les expériences du réalisateur furent soutenues et approuvées par le premier Commissaire du peuple de l’instruction publique, Anatoli Lounatcharski, qui le convia à frayer la voie à des recherches audacieuses dans le domaine du cinéma satirique. Plusieurs de ses films sont restés dans les tiroirs et ont été bloqués à la diffusion.

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Extrait de la filmographie d’Alexandre Medvedkine

Réalisateur

1956 – Un printemps agité (Беспокойная весна)

1946 – La Libération de la terre (Освобожденная земля)

1939 – Jeunesse florissante (Цветущая юность) [documentaire, 18 mn]

1938 – La Nouvelle Moscou (Новая Москва) [fiction, 100 mn]

1936 – La Fille qui faisait des miracles (Чудесница) [fiction, 81 mn]

1934 – Le Bonheur (Счастье) [fiction, 66 mn]

1932 – Journal n°4 (Dépôt de Dniepropetrovsk) (Газета №4) [documentaire, 10 mn]

1932 – Comment vis-tu, camarade mineur ? (Как живеш, товарищ горняк?) [documentaire, 9 mn]

1932 – Gazeta N°4 (Газета № 4) [documentaire, 10 mn]

1932 – Endroit désert (Пустое место) [documentaire, 10 mn]

1932 – Le Trou (Дыра)

1932 – Le Piège (Западня)

1931 – Sur le taurillon blanc (Про Белого Бычка) [fiction, 10 mn]

1931 – Idiot, tu es idiot ! (Дурень, ты дурень!)

1931 – Fruits et légumes (Фрукты-овощи)

1930 – Au voleur ! (Держи вора)

1930 – Petite bûche (Палешко)

1928 – Ménage ta santé (Береги здоровье) [documentaire, 9 mn]

 

Scénariste

1938 – La Nouvelle Moscou (Новая Москва) de Aleksandr MEDVEDKINE [fiction, 100 mn]

1936 – La Fille qui faisait des miracles (Чудесница) de Aleksandr MEDVEDKINE [fiction, 81 mn]

1934 – Le Bonheur (Счастье) de Aleksandr MEDVEDKINE [fiction, 66 mn]

1931 – Idiot, tu es idiot ! (Дурень, ты дурень!)

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