Lussas : entre tënk et pitch

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Territoire de la libertéSelon Jean-Marie Barbe, « On est Tënk ou on est pitch ».

La différence me direz-vous ne saute pas aux yeux. Et même n’évoque pas grand chose. Pour le commun des mortels qui lirait une chose pareille, la première réaction serait peut-être de prendre la tangente sans approfondir la question, inquiet pour l’état mental de son auteur. Mais pour des fous de doc, cela agit comme un aimant. Et quand, à Lussas, on nous propose toute une sélection de films Tënk, rien de tel pour remplir les salles de projection.

En bref, le pitch est un résumé d’un film ; il doit être accrocheur, séducteur, vendeur. Le Tënk est un mot wolof (une des langues parlées au Sénégal) qui signifie « Résume-moi ta pensée». Deux termes qui déterminent deux mondes.

Pour comprendre de quoi il s’agit, mieux vaut s’en remettre à l’initiateur lui-même : « [Le Tënk] Il me semble qu’il est approprié au monde du documentaire de création et qu’il devrait remplacer avec le temps le mot « pitch ». Les tënk et les pitchs sont tous deux des exercices de synthèse rassemblant des réalisateurs, des producteurs et des diffuseurs avec l’objectif suivant : faire que des projets deviennent des films ; là s’arrête la ressemblance. Les tënk privilégient la pensée et la relation humaine, […] Les pitchs développent la pratique de la synthèse en un seul temps, très court […], spectaculaire, efficace, fondé sur la séduction et les ressorts de la compétition. Ils privilégient les projets les plus à même de convenir aux « cases » des chaînes de télévision.

«La différence entre ces deux mots n’est donc pas un détail : la sémantique, comme souvent, renvoie à des visions du monde. On est tënk ou on est pitch ! On est documentaire d’auteur ou docu de flux ! On appartient à la vision cinéma du monde, une certaine idée de la fonction des images, ou au monde dominant de la communication !

«[…]Les rencontres Tënk sont des rencontres de coproduction équitables Nord-Sud qui établissent une parité dans la propriété industrielle des films. Y participent de petites chaînes de télévision qui apportent de l’industrie, sont dans l’esprit des films et ne formatent pas les œuvres, et bien sûr ce sont les auteurs et les producteurs indépendants qui triomphent. Ainsi cette année, ce sera via les Tënk une soixantaine de films écrits par de jeunes auteurs citoyens en cinéma qui va être mise en chantier. Un réseau international de documentaristes s’esquisse, le RID».(J.-M. Barbe, Etats Généraux du film documentaire, catalogue 2014)

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La sélection Tënk cette année nous propose donc une dizaine de films issus de cette collaboration. Pour accompagner cette action d’étendre un réseau international, une structure a été créée, Doc-Monde, avec un réseau de formateurs, qui complète le réseau déjà existant depuis une dizaine d’année d’Africadoc.

De cette sélection, il est difficile de faire un résumé ou de trouver un terme qui synthétiserait une tendance générale. Disons l’humain, la vie mais tout cela défini déjà le documentaire. Pourtant la mise en confrontation de ces films nous offre une cosmogonie, une vision du monde. Ils sont comme les atomes indissociables et indispensables d’un même objet.

Il y a un film dont j’ai envie de parler, c’est Territoire de la liberté, film sibérien réalisé par Alexandre Kouznetsov, de Krasnoyarsk. Près d’une ville industrielle de Sibérie se dresse une réserve naturelle faite de rochers, de bouleaux et d’isbas. Ceux qui viennent ici se réfugient dans un autre monde entre la nature sauvage, l’escalade et la fête. Sur ce territoire, on vit, on respire ce qui en Russie n’a jamais existé : la liberté.

«Il fait suite à Territoire de l’amour, déjà montré aux États généraux. Il précède Manuel de libération qui sera tourné en 2015. Il s’agit donc du deuxième épisode d’une trilogie portée par un réalisateur-opérateur qui filme de l’intérieur sa famille spirituelle, un groupe de résistants minoritaire au sein de la société civile russe, qui tente d’échapper à l’étouffement». Ioanis Nuguet nous parlait précédemment de film chamanique. Celui-ci incontestablement en est. Il nous transporte, nous bouleverse, Il nous dit combien nos rêves sont importants et combien nos rêves nous unissent au-delà des espaces qui nous séparent.

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