La Loi de 1905 et le néo-colonialisme

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111 ans de « Laïcité » dans la république bourgeoise !

Avec l’écrasement de la révolution sociale de 1848, la grande frayeur des classes dominantes pousse à une alliance qui semblait, après 1830, contre-nature entre la bourgeoisie libérale et la réaction catholique. Ainsi, le régime du Concordat de 1801 conclu entre le Pape et Bonaparte, en réaction à la puissante poussé anticléricale de la grande révolution, se voit renforcé par la Loi Falloux du 15 mars 1850 qui impose à nouveau l’instruction religieuse dans les écoles en autorisant les prêtres, même sans aucun diplômes, à enseigner. (A noter que ce Concordat Bonapartiste et Papiste de 1801 est toujours en vigueur en Alsace-Moselle. Les élus alsaciens en ont fait, au décours de la guerre de 14-18, une des 3 conditions pour accepter leur rattachement à la France (1919). Avec la menace d’un referendum sur ce rattachement, si les conditions n’étaient pas respectées. Un risque, – de reperdre ces régions devenues Allemande en 1871,- que refusa l’Etat). La commune de Paris de 1871, par son premier décret du 2 Avril, aboli sous la pression populaire, le Concordat et la Loi Falloux, c’est à dire l’emprise de l’institution religieuse sur l’école. Une école laïque, gratuite et obligatoire, 11 ans avant les lois Jules Ferry, mise en place par la Commission de l’Enseignement avec égalité des sexes (Y compris pour l’Enseignement professionnel. La foi ne relevant désormais que de la liberté individuelle. Après l’écrasement de cet embryon de république sociale, que fut la commune, ces avancées furent annulées. La république bourgeoise régnait en maitre. Les mesures législatives sur la laïcité survécurent cependant dans la lutte, les aspirations populaires, l’élaboration législative de l’opposition. Elle grandirent à nouveau et murirent, sous une forme nettement anticléricale, dans le syndicalisme révolutionnaire, l’anarchisme, l’opposition radicale et d’extrême gauche. Et finalement à l’initiative du député républicain-socialiste Aristide Briand, par voie parlementaire, fut adoptée le 9 décembre 1905, la fameuse loi de séparation des Églises et de l’État… Toujours en vigueur à l’exception de l’Alsace-Moselle depuis 1919 …. Bientôt 111 ans de Laïcité dans la République Bourgeoise. Une Loi qui dans son article 2 proclamait que «La République ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte». A l’exception de la période de collaboration Vichyste qui promulgua, hors république, une loi du 25 décembre 1942, modifiant l’article 19 de la loi de 1905 et autorisant l’investissement de fonds publics dans la construction ou dans la restauration d’édifices religieux. Bien que Pétainiste, cette modification ne fut jamais abrogée. Sous la pression extrême des logiques du marché capitaliste mondial, les acquis du Conseil National de la résistance, partie sociale et redistributive de l’Etat, hérités aussi de 1936, se voient battus en brèche. Curieusement, alors que l’on nous rabâche le fait que l’Etat doit faire des économies sur sa partie sociale, sans augmenter sa fiscalité, bien sur, au détriment, par exemple, de la fonction publique hospitalière et au profit des forces régaliennes répressives), cette loi Pétainiste continue de sévir. Abrogée, nombre d’économies, sur le financement public du patrimoine des religions, pourraient être réalisées…

Mais il faut revenir aussi sur les conséquences contemporaines de l’expansion colonialiste et raciste, de la décolonisation politique, et de la néo-colonisation impérialiste occidento-américaine, dont la république bourgeoise en France est partie prenante et qui ont marqué le XIXème et le XXème siècle. Le pillage des ressources naturelles des ex-colonies avec la complicité de pouvoirs locaux amis protégés et largement subventionnés par l’Etat, l’utilisation jetable de leurs ressortissants comme main d’œuvre à bon marché puis la relégation sociale et xénophobe de leurs descendants dans des quartiers ghettoïsés, les ventes d’armes massives aux dirigeants « amis » et les horreurs meurtrières qui s’en suivent, sont le fait de la république bourgeoise, et nous devons toutes et tous, à plus ou moins de degré, en subir les conséquences pourrissantes. L’atomisation sociale accélérée par le marché capitaliste, renforce les communautarismes. La précarisation et la paupérisation renforcent, le risque de guerre concurrentielle entre communautés reconstituées par replis identitaire. L’exclusion sociale, des descendants des populations migrantes reléguées, renforce le risque d’auto-défense identitaire sur des bases de revendications religieuses. La situation internationale, illustrant le pourrissement des politiques impérialistes, potentialise ce risque identitaire absolument contraire à la laïcité.

Il ne reste plus qu’à jeter de l’huile sur le feu ! Ce dont ne se privent pas les ultra et extrêmes droites et les droites extrêmes ! Pour construire à leur propre profit, leurs ambitions hégémonique, par la manipulation démagogique des peurs et désarrois populaires, et la diffusion de la confusion et du chaos des consciences.

De la même façon que la part sociale de l’Etat, dont les services publics, se voient soumise à la même logique comptable que celle du marché, la laïcité se dissout dans une offensive religieuse généralisée et impliquant les grandes religions comme les sectes plus modestes, se posant en recours, comme si le domaine de la conscience privée envahissait l’espace publique de la laïcité. Ce n’est pas un hasard, cela procède des mêmes mécanismes. Et comment s’étonner que la destruction des liens sociaux, l’atomisation narcissique et nue, voulue par le marché, ne favorise pas, par l’angoisse et la désorientation générées, la recherche d’un salut irrationnel, communautaire, identitaire, auprès des bonimenteurs religieux (et des politiques qui les soutiennent) se voulant par définition les spécialistes du re-lier.

La laïcité est autant battue en brèche par ces élus qui veulent remettre des prêtres dans les quartiers et les écoles pour moraliser élèves et habitants, que par ceux qui prétendent contrôler le culte musulman en en contrôlant les instances, comme le prône Jean-Pierre Chevènement voulant prendre la tête d’une « Fondation pour l’islam de France », et comme l’avait fait Sarkozy, ministre de l’intérieur, en 2003 avec la fondation du « conseil français du culte musulman ». Un vieux relent de colonialisme condescendant et raciste, sorte de bureau des affaires indigènes, ici musulmanes, où des gens sont désignés comme tels de par leur origine quand bien même nombre d’entre eux, comme partout, refusent la religion. Cela renvoie aux « bureaux des affaires indiennes » aux USA ou aux « commissariats des affaires juives ». il y a donc, au mépris de l’esprit de la loi de 1905, intervention de l’Etat dans la vie religieuse. Mais notons tout de même, que cela reste légal, du fait des manipulations législatives (jamais abrogées) opérées par les Pétainistes sous l’occupation nazie. Des curés pour évangéliser les indigènes de l’intérieur et leurs « sauvageons » de rejetons devenus français par le sol, un bureau d’Etat pour en contrôler le culte ! On comprend mieux vu l’histoire de cet aménagement de la loi de 1905, le cadre de son application !!!

Les fachos au sens large, FN, Sarkoystes new look et compagnie, héritiers nostalgiques des partisans de la colonisation raciste, utilisent une interprétation fallacieuse de la laïcité, une pseudo laïcité, en réalité identitaire, chrétienne, islamophobe, mais aussi judéophobe. Bref une attaque en règle contre la laïcité agonisante !!!

Dans ce climat, comment lutter pour une véritable laïcité, sans tomber dans le piège islamophobe ? Comment refuser l’islamophobie sans tomber dans le piège judéophobe (nous renvoyant à l’odieux conflit colonialiste dans les territoires palestiniens occupés) ? Comment comprendre les passerelles objectives entre cet hégémonisme Salafiste et terroriste et cet islamo-gauchisme où sévissent certains idiots-utiles au sein d’une dite extrême ou ultra gauche ? Comment comprendre à quel point les faiblesses théoriques de ces idiots utiles de gauche nourrissent aussi la montée du nouveau fascisme européen ? Comment ce nouveau fascisme européen camouflé derrière une pseudo-défense de la laïcité qui ne remet pas en cause les institutions étatiques de la « république bourgeoise » mais rêve de les diriger, attise l’islamophobie !

L’opposition extrême gauche/extrême droite autour de ces questions se résume-t-elle à un choix objectif ignoble dans lequel nous pourrions à la faveur des évènements glisser ? Faut-il choisir entre, d’un côté Bachar El Assad, Poutine et l’islamisme Chiite Iranien (comme le font Soral et Dieudonné) si l’on est d’extrême-droite, contre les hégémonistes du Salafisme wahhabite et sunnite si l’on est d’extrême-gauche ?   Qui sont les profiteurs de ces situations, qui en tirent les ficelles, quels clubs de pensée, quels relais ? Nous n’avons bien sur, par la nature de notre engagement, la vocation de nettoyer l’extrême-droite et ses alliances. Par contre, « camarades », nous voisinons trop souvent, et parfois même « coquinons », non loin de l’extrême-gauche, pour ne pas avoir un devoir de lucidité et de re-positionnement historique de nos aspirations fondamentales, tant libertaires, qu’égalitaires et solidaires. Comment des maitres hégémoniques et brutaux comme Erdogan et Poutine aspirent-t-ils à se partager et se disputer de vastes territoires et de bonnes parts de marchés dans le monde ? Pourquoi la lutte des kurdes contre le religieux-extrême Erdogan (et contre DAESH son ancien partenaire commercial) est-elle censurée par une partie de l’extrême-gauche au nom d’un anti-impérialisme fallacieux, si ce n’est au nom d’une solidarité internationale ouvrière Turco-kurde, mais qui devrait gommer le nécessaire affranchissement de la spécificité culturelle Kurde, quitte à éluder le problème et accepter à maintenir les Kurdes comme dominés parmi les turcs. Juste comme le souhaite Erdogan ? Comment les ventes d’armes lourdes de la France, contribuent-elles à entretenir l’horreur des guerres et des dictatures, et comment la France s’étonne-t-elle qu’après avoir contribué par ces ventes à semer le chaos, la mort et la désolation, que des réfugiés par centaines de milliers cherchent à rejoindre l’Europe ?

Cependant, et heureusement, de nombreuses femmes et hommes dans le monde, en particulier au sein des anciennes colonies, se dressent au péril de leur vie et de leur liberté contre l’oppression religieuse garant des inégalités sociales et sexistes et des atteintes à la liberté ! C’est avec eux que doit se construire la solidarité internationale, la solidarité mondiale. Il n’y a pas de modèle occidental et « indigène », tous les homo sapiens, partout dans le monde, peuvent solidairement aspirer, tant à l’émancipation qu’à la justice sociale. Il n’y a en fait qu’une seule voie, une seule, c’est la première voie. La plus évidente et logique, héritère de la commune de 1871, et donc la plus difficile à trouver. Elle est encombrée, obstruée, riche de possibilités, il nous faut l’élaguer pour la tracer ! C’est la voie vers la solidarité laïque, sociale, égalitaire et libertaire, internationale, entre celles et ceux qui luttent pour l’émancipation et la justice sociale ! Celle, anticapitaliste, qui mène à la réalisation de la république sociale universelle ! Tout le reste est fallacieux ! 

« En cette période historique d’un marché capitaliste aux abois, générant pour sa survie une généralisation violente de la précarité, l’angoisse secondaire à l’incertitude quant au devenir ne peut qu’alimenter la structuration des convictions délirantes et sectaires vers les passages à l’acte guerriers et les prises de pouvoir politique narcissiques et violents de nombreux gourous improvisés en sauveurs suprêmes. En dépit, de l’irréversible développement du savoir sur la nature du vivant, de l’humanité et de la matérialité cosmique, qui contredit de façon irrémédiable les fondements cosmogoniques des religions. Ces dernières, en perte de vitesse, voient leurs arrières gardes les plus extrêmes, véritables impostures chronologiques, se rigidifier, s’amplifier et occuper le devant de la scène du spectacle, d’autant qu’ils se nourrissent de ce marché capitaliste qui les préfèrera toujours aux perspectives sociales de son dépassement. Bien que le capitalisme, les Etats et les religions soient condamnés à terme, il faut s’attendre à ce que la concurrence guerrière des sectes religieuses continue à semer la mort, tant à nous faire chier qu’à nous emmerder, pendant encore quelques décennies avant de quitter définitivement la scène de l’histoire. » 

YM 18 Octobre 2016

 

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