La der des ders

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Le Monastier a choisi de commémorer la Grande Guerre avec une série d’événements autour de la vie quotidienne pendant la guerre. Une exposition accompagnera l’ensemble.

DidierPerreCe dimanche, Didier Perre et Véronique Soignon nous présentent la vie des tranchées à travers les chansons et nous font découvrir un aspect de Boudon-Lashermes oublié. Le jeune Albert Boudon-Lashermes, réserviste, est appelé sous les drapeaux. Né en 1882, il a alors 32 ans. Une fois dans les tranchées, il crée un journal l’Echo du Boqueteau, feuille de chou polycopiée à l’alcool.

« En créant le journal de tranchée l’Écho du Boqueteau, il eut le génie de transmuer ce qui n’était qu’une camaraderie de soldats originaires des mêmes régions en une véritable entreprise littéraire et artistique centrée sur la langue et l’identité des pays d’oc.

Polycopié à l’alcool, L’Écho du Boqueteau parut sans interruption, dans des conditions évidemment très difficiles, de janvier 1915 à janvier 1919. D’abord bilingue langue d’oc­-français, il eut ensuite, à partir d’avril 1916, deux éditions, l’une en provençal L’Eco dou Bousquetoun, l’autre essentiellement française et enfin, à partir de début 1917 une troisième édition, en vellave, L’Eco dei Bousquetoun. L’Écho du Boqueteau est considéré comme « [ … ] le canard le plus prolifique [de tous les journaux de tranchées] : il ne compte pas moins de 322 numéros et sa collection complète, rarissime, comprend un volume de 1634 pages. » (André Charpentier, Feuilles bleu horizon, le livre d’or des journaux du front, Paris, Imp. de Vaugirard, 1935, p. 108-109). (Didier Perre, Préface de Chansons de tranchées, de Albert Boudon-Lashermes, réédition par l’Association Sur les Pas d’Albert Boudon-Lashermes, 2014).

Ce journal était l’émanation d’un groupe félibréen également fondé par Boudon l’Escolo dou Boumbardamen où les poilus se transformaient en poètes et chansonniers pour écrire, chanter et publier ce que le quotidien des tranchées leur inspiraient.

Mais laissons Boudon-Lashermes nous en parler lui-même dans son introduction de Chansons de tranchées qu’il édita en 1919, à 40 exemplaires, à l’intention des survivants de l’Escolo dou Boumbardamen : 

« L’histoire de notre Ecole félibréenne a déjà été faite par Marius Jouveau, dans son bel ouvrage: La Flour au Casco.

Le détail de nos fêtes du front a été donné dans notre pre­mier volume : Un journal de tranchée.

Aussi n’avons-nous pas l’intention de redire ici ce qui est dé­jà connu de tous, et nous bornerons- nous à donner de l’Escolo déu Boumbardamen l’histoire la plus intime, la plus vécue, en reproduisant simplement dans ce recueil les chansons composées par ses membres et qui en constituent elles-même le meilleur li­vre d’or.

Fondée dans les tranchées de Remières , dans la boue glacée de la Woëvre, en janvier 1915, l’Ecole ne cessa, sur tous les fronts de France et de Brabant, d’organiser concerts, fêtes, banquets, dî­ners de rédaction, distractions de tout genre.

C’est à elle que nous avons dû les quelques joyeux instants que nous avons vécus pendant l’interminable et lamentable guer­re.

Nous avons voulu rassembler ici les refrains qu’elle a rendus populaires dans nos secteurs de Woëvre, de Champagne ou d’Al­sace, — les couplets, rêveurs ou narquois, nés au jour le jour dans le mystère de la tranchée ou le calme du cantonnement, car ils résument toute notre existence, et jalonnent joyeusement la vie de notre Escolo pendant ces cinq années de guerre.

Qui n’a pas ouï de ses oreilles nos concerts de la Maison­-Brûlée, d’Aulnois, Jouy, Boucan-Ville, Altenac , Saint-Thierry, Pouxeux, Merfy, Venteuil, Chenay, Trigny, Dhuizel et Bigonville, ne peut se faire une idée du pittoresque de ces félibrées fantasti­ques, où des artistes de talent, Schmitt, Cahuzac, Boutillon… faisaient de véritables tours de force sur des violons de fortune, tandis que tout un orchestre de guitares, mandoles et mandolines, confectionnées avec des caisses de madeleines de Commercy ou des boîtes à jambon frigorifié, accompagnait les chanteurs avec une verve endiablée, dans une symphonie funambulesque, que dominait le son strident des flûtes taillées par notre ami Cochet dans de vieux cadres de bécane ……

Lorsqu’on se déplaçait, cet orchestre volumineux se camou­flait de son mieux dans l’équipage de maître Debard, d’Aurec : l’Hôtel de France, le carrosse des mitrailleurs, que traînait Co­lombo, le vieux cheval légué par Julien Terle à la 19° Compagnie.

A peine installés dans un cantonnement, tous les artistes de l’Ecole accouraient aux « bureaux » de l’Echo pour organiser les concerts.

Il y avait là : les artistes et chanteurs : de Sax, du Théâtre Antoine, – Chazy, de la Lune Rousse, – Girand, le comique mar­seillais, – Dupouy , le ténor basque, – Derock , le chanteur pro­vençal, – Martin et Kiki, les deux clowns, – les deux Laroze, les chanteurs ambulants, – maître Bol, luthier de l’Echo, notre maî­tre-à-danser, – Lageix , Serres, Castanier, Lavergne, les danseurs de bourrées…

Puis tous les amateurs, chanteurs et chansonniers : Tuquet, Eyraud d’en Va , Labeigh, Lassablière, Marcoux, de Thomassin, de Dieuleveult, Duclaux, Bocq, le Bath, Fretz, Courbon, Pouzol, les deux Lamarche, Argoud, Pichoire, Goudard, Mas, Carmagnol­les, Servant, Lespinat, Palle, Desmurs, Revau, Soyer, Mialon , Pé­rier, Poirier, Gallais, Erpelding, Garrido , Découzon , Lataillade, Barges, Beaufeist, Palassin , Palazzo…

Puis l’essaim des dessinateurs , qui croquaient en sourdine artistes et badauds, cagnas et paysage : les maîtres, – Nicolas, As­torg, Becquet, Grellet, Tête, Paillole, Pissis, plus tard l’ami Ber­thet ; – et les bohèmes du crayon : Laroze, Lespinat, Bocq, Sausse. Vignal…

Enfin, les musiciens : Astorg, Cochet, Boudon, les flûtistes, – Ladonne, le cabretaire, – Planchet, le joueur de mandale, – no­tre virtuose de Reims, avec sa mandore espagnole, – les guitaris­tes : Danjou, Bouquet, Jaquemard, Beau ; – les mandolines: Sa­batier, Cognéras, Herbet, Vernhes, Chalbost ; – les violons, en nombre imposant: Mony, Schmitt, Cahuzac, Bonnet, Javel, Pé­coi! , Blanc, Muche, Volant, Ganot, Boutillon, et tous les artil­leurs dont nous n’avons jamais connu même le nom.

C’est pour eux, c’est pour les survivants de cette inoubliable Cour des Miracles, que nous avons résolu d’éditer les chansons qui ont si longtemps charmé notre existence de troglodytes.

Puissent-elles apporter avec elles, sous chacun des toits qui vont les recevoir, un peu de cette folle et insouciante gaîté qu’el­les ont tant de fois fait revivre chez nous, dans les circonstances les plus lugubres et les instants les plus critiques de notre vie du front !

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